Le regard de l’homme allait du petit objet rond et brillant qui reposait dans sa paume gauche à l’autre objet, beaucoup plus carré et terne qu’il tenait de sa main droite.
Mes vieux amis. Aujourd’hui est le jour d’une grande décision. Et, comme toujours, vous allez la faire pour moi.
Il leva les yeux sur la personne qui le fixait.
Et toi, vieux traître. J’ai toujours su que je ne pouvais pas te faire confiance. Tu étais tellement changeant, tellement corrompu par tes désirs, tellement faible, tellement… humain.
Un air de dégoût s’afficha sur son visage, comme si ce mot le rebutait profondément.
Tu veux savoir à quel point je fais confiance à mes plus chers alliés ? Très bien.
Il tendit son bras gauche, la main grande ouverte, afin que l’homme puisse sans difficulté admirer la perfection de l’objet décisif.
Pile, je meurs. Face, c’est toi.
Le canon de son arme suivit ses paroles. D’abord pointé sur lui, puis sur l’homme qui ne le quittait pas du regard.
Non, je ne doute ni de l’un, ni de l’autre. Aucun ne m’a jamais fait défaut. Jamais.
Il avait toujours joué sa vie ainsi. A pile ou face. Une arme à la main. Juste au cas où. Jusqu’à présent, cela avait bien fonctionné. Les décisions lui en avaient toujours été facilitées.
Tu crois que je vais me défiler ? As-tu déjà oublié l’acte atroce que je viens de commettre devant tes propres yeux ?
Trop de sang sur les mains pour de si mauvaises raisons. Mais il n’avait pas de raison. Pas de conscience. Seule sa pièce lui dictait sa conduite. Vivre ou mourir ? Pile ou face ? C’était aussi simple que ça.
Et aujourd’hui c’est ton tour. Ou le mien ? C’est donc cela qui t’effraie ? Que je ne me tienne pas au résultat ? Tu sais pourtant mieux que personne que je ne conteste jamais le résultat. Jamais.
Pas même lorsque le choix lui était douloureux. Surtout pas lorsqu’il était douloureux. Il s’était convaincu que cette pièce était la seule chose au monde fiable, la seule chose qui ne soit influencée que par le Hasard, le Destin, Dieu, peut-être ? Mais pas par le profit ou les sentiments, faiblesses éternelles de l’Homme.
Tu es prêt ? Ça va commencer. Regarde la tournoyer dans les airs. N’est-elle pas magnifique ? Gracieuse ? Presque divine. Elle rayonne de milles feux. Tu sais, je crois que je ne me lasserai jamais de ce spectacle. La main de la Justice frôlant ce disque doré pour rendre son verdict. Voilà. Tu veux savoir ? Tu es si impatient que cela se termine ? Bien.
Entre son avant-bras droit et le dos de sa main gauche résidait le droit de Vie ou de Mort. Une si grande chose tenant à un si petit objet. Il releva très doucement son bras. Resta imperturbable en découvrant laquelle des deux faces était sortie. Arma sans trembler son arme. Et tira.
Adieu.
La pièce et le pistolet s’écrasèrent tous deux au sol, rejoignant leur maître qui venait de s’y écrouler. Il était à présent seul dans la pièce. Son reflet avait disparu du miroir dans lequel il se regardait. Il était allé rejoindre son amour éternel, celui que ses plus fidèles amis lui avaient ordonner de tuer il y avait de cela quelques minutes à peine.
Aujourd’hui les dés étaient pipés, mais je n’avais pas d’autre choix que de venir te rejoindre mon amour. Pile ou face, le résultat était le même : je t’aimais.
Dim 11 Avr - 20:11